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Différentes postures épistémologiques et leur signification

Deux chercheurs étudiant le même phénomène peuvent aboutir à des résultats opposés, sans que l’un ait nécessairement tort. Des écoles de pensée rivales coexistent, chacune revendiquant un accès privilégié à la vérité scientifique. Les débats méthodologiques se cristallisent souvent autour de divergences fondamentales quant à la nature du savoir et aux moyens de l’atteindre.

Cette diversité n’est pas le signe d’un désordre intellectuel, mais traduit des choix assumés et structurants. Reconnaître ces positions permet de comprendre les logiques sous-jacentes aux démarches de recherche, d’éviter les malentendus et de mieux articuler théorie et pratique.

Pourquoi s’intéresser aux postures épistémologiques en sciences sociales ?

S’intéresser aux postures épistémologiques, c’est ouvrir une fenêtre sur la richesse et la complexité des sciences sociales. Derrière chaque démarche de recherche, il y a une manière d’envisager la connaissance : examiner, comprendre, ou parfois vouloir transformer la réalité. Cette orientation influe sur la méthodologie, la manière de choisir son terrain, d’analyser ce qui s’y passe et de présenter ses découvertes.

La recherche en sciences sociales ne consiste pas simplement à accumuler des faits. Elle engage un rapport nuancé et parfois ambivalent à l’objet d’étude. Se pencher sur sa propre épistémologie, c’est aussi se positionner dans le grand débat sur le sens et la portée des sciences humaines. Jusqu’où l’interprétation peut-elle aller ? Quelle place réserver à la subjectivité du chercheur ? À travers ces interrogations, la réflexion sur les postures épistémologiques devient une affaire de choix, éthiques, mais aussi méthodologiques, qui pèsent sur la solidité des recherches menées.

Les implications dépassent largement la simple production de connaissances. À chaque étape, la question éthique revient : confidentialité, respect des personnes rencontrées, transparence sur les démarches adoptées. Plutôt que de voir la diversité des points de vue comme un obstacle, il est judicieux de la considérer comme une ressource qui nourrit les échanges et renouvelle les pratiques.

Voici quelques-unes des implications majeures de ces postures :

  • Éthique de la recherche : assurer la rigueur du travail et le respect des personnes rencontrées.
  • Rapport au terrain : reconnaître la part de subjectivité, replacer les analyses dans leurs contextes.
  • Pratique réflexive : remettre en question ses propres choix et repenser régulièrement sa méthode.

Adopter un regard épistémologique transforme la posture du chercheur : il s’engage dans une dynamique faite de doute, de discussions et de responsabilité.

Panorama des principales postures : positivisme, constructivisme, pragmatisme et au-delà

Lorsque l’on évoque les différentes postures épistémologiques, le positivisme s’impose d’emblée. Hérité du XIXe siècle, il mise sur l’objectivité, la neutralité et la mesure. Observer, quantifier, vérifier : le chercheur, ici, s’apparente à un technicien en quête de lois générales. Ce modèle, qui a longtemps dominé la sociologie, laisse pourtant en suspens la question du sens et de l’expérience humaine.

Le constructivisme prend alors le relais comme une proposition alternative. Dans cette perspective, la réalité sociale ne préexiste pas à l’observation : elle se construit dans l’interaction, le langage, l’histoire partagée. Recourir à l’analyse qualitative, privilégier les entretiens ou l’observation participante devient alors une évidence. Jean-Pierre Olivier de Sardan s’illustre par ce rapport réflexif au terrain, où la subjectivité du chercheur ne se cache plus, mais s’interroge. La notion de rupture épistémologique, chère à Roca Escoda, invite à prendre ses distances avec les évidences et à renouveler le regard.

Le pragmatisme trace sa propre voie. Il s’attache avant tout à l’utilité concrète des savoirs produits, à leur capacité d’éclairer ou de résoudre des problèmes du réel. Ici, la flexibilité méthodologique prime, tout comme l’ajustement constant entre la théorie et le terrain.

Voici comment se distinguent les différents paradigmes abordés :

  • Paradigme explicatif : vise des lois générales, met à distance l’objet de recherche.
  • Paradigme compréhensif : privilégie l’immersion, cherche à saisir la signification pour les acteurs, accorde de l’importance au vécu.
  • Paradigme critique : questionne les rapports de pouvoir, met en lumière les inégalités et invite à les déconstruire.

Ces postures n’échappent pas aux tensions : implication contre recul, participation ou objectivation. Le chercheur doit parfois assumer de « trahir » un camp pour rendre compte honnêtement de ses choix. La pluralité des méthodes qualitatives et des points de vue épistémologiques façonne, aujourd’hui, la vitalité de la recherche en sciences sociales.

Groupe de jeunes adultes en discussion dans un espace moderne

Comment choisir et questionner sa propre posture pour enrichir sa démarche de recherche ?

Adopter une posture épistémologique ne résulte ni d’un tirage au sort, ni d’une décision irrévocable. Face à la complexité du terrain, le chercheur doit sans cesse examiner sa pratique, ses présupposés, ses outils. Le choix de la méthodologie de la recherche découle directement du rapport entretenu avec l’objet d’étude, qu’il s’agisse d’opter pour l’observation participante ou de maintenir une certaine distance analytique. Les analyses de Max Weber et Wilhelm Dilthey, en Europe, illustrent combien la question du sens, de l’interprétation et de la valeur marque l’enquête en sciences humaines.

Tenir une position, c’est accepter les tensions inhérentes à toute entreprise scientifique : rechercher l’objectivité ou s’engager, afficher sa neutralité ou prendre parti. Ce va-et-vient entre paradigmes traverse la recherche en sciences sociales, mais aussi la gestion ou le contrôle de gestion, que l’on soit à Paris ou ailleurs. La diversité des contextes, des disciplines et des objets étudiés pousse à s’ajuster, à questionner constamment la cohérence entre problématique, cadre théorique et outils méthodologiques.

L’expérience du terrain, les entretiens, la confrontation à l’inattendu peuvent conduire à revoir, voire à infléchir sa posture initiale. Les discussions sur l’éthique de la recherche rappellent que chaque décision, même la plus discrète, engage la responsabilité du chercheur, sur les plans scientifique, politique et parfois esthétique. Pour beaucoup, examiner sa propre posture relève alors d’une démarche réflexive : maintenir un dialogue permanent entre théorie et expérience, où la rigueur avance main dans la main avec le doute.

Au bout du compte, explorer ces chemins épistémologiques, c’est accepter de ne jamais s’installer dans des certitudes. C’est ce mouvement, ce frottement entre les doutes et les convictions, qui continue de faire battre le cœur de la recherche.